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Fouilles de la chapelle de la Courtine à Limoges en 2012

Voilà le compte-rendu des fouilles de la Chapelle de la Courtine près de l'abbaye Saint-Martiald de Limoges effectuées par le bureau d'études EVEHA

Durant le Bas Empire, peut-être dès le début du IVe siècle, dans cette partie de la ville devenue suburbaine, fut implantée une nécropole. Au sein de cette nécropole, un mausolée abrita, sans doute dès le ve siècle, un culte à saint Martial, le premier évêque de Limoges mort un siècle plus tôt. Ce mausolée, aujourd'hui conservé dans une crypte archéologique, se situe à moins de 70 m de l'emplacement concerné par la fouille archéologique. Auprès de ce sépulcre se structura un centre religieux qui devint une abbaye en 848. Autour de cette abbaye se développa la seconde ville de Limoges, « le Château », distincte de « la Cité » établie autour de la cathédrale. À proximité immédiate de la fouille furent mis au jour, à plusieurs reprises, des inhumations dont un grand nombre en sarcophage. Tel fut le cas, à l'est du site, en 1921, lors de la construction de l'immeuble situé à l'angle de la rue Dalesme et de la place Fournier, entre 1960 et 1970 lors des fouilles de la place de la République et, dans les années 1980, rue du Temple. Ces découvertes témoignent de l'extension relativement importante de la nécropole. Le site du 1 rue de la Courtine est anciennement connu pour avoir été l'emplacement de l'église Sainte-Marie-de-la-Courtine. Cette chapelle, dépendant de l'abbaye Saint-Martial, est attestée par les textes depuis le XIIe siècle. Elle était alors réputée abriter la tombe d'Amasius, architecte légendaire du tombeau de saint Martial. Cette église était alors déjà considérée comme ancienne. Elle aurait eu, d'après l'abbé Legros, une fonction de cure en 1158 et en 1221 mais n'était plus qu'une chapelle en 1267. Durant la fin du Moyen Âge et pendant la période moderne, l'église abrita les offices de plusieurs confréries. En ruine au début du XVIIIe siècle, elle fut rasée en 1742 sur ordre de l'intendant Tourny car elle gênait ses projets de voirie. Le site de la Courtine a déjà fait l'objet d'observations archéologiques. Ainsi, en 1892, des travaux de décaissement en vue de la construction d'un bâtiment à l'angle de la rue de la Courtine et de la rue Dalesme mirent au jour de très nombreux vestiges de la période gallo-romaine et du haut Moyen Âge. Plus de 150 sépultures furent découvertes ainsi que les parties orientales de l'église de la Courtine. En mars 1984, des observations furent réalisées par Éric Balbo lors de creusements. Il constata notamment la présence d'un mur en grand appareil de pierre de taille et l'existence d'une « cave » dont il vit l'extrados de la voûte en brique.

L'opération archéologique de 2012 a permis des avancées significatives sur la compréhension de l'évolution de ce secteur de la ville. Ainsi la mise au jour de niveaux de sol antiques dans l'angle nord-ouest du site pourrait confirmer le développement d'Augustoritum jusque dans cette zone. Vers la fin du IIIe siècle ou le début du ive siècle le site devint une des nécropoles du Bas Empire. Ce lieu est demeuré une zone d'inhumations privilégiée pendant la plus grande partie du premier millénaire. Malgré la découverte de nombreuses sépultures lors des précédents travaux réalisés sur le site, plus de 200 inhumations ont été mises au jour lors des fouilles de 2012. Différents types de sépultures ont été identifiés. De nombreux sarcophages (en calcaire, en granite, en impactite) furent mis au jour. Parmi les coffrages en divers matériaux (terres cuites architecturales, dalles de granite, bois) découverts, il faut en signaler plus particulièrement deux dont la couverture était constituée de dalles de béton de tuileau. Des sépultures sur lit de charbons et d'autres incluant une civière ont également été mises au jour. Il ne semble pas, à ce stade des études, qu'il y ait un recrutement particulier des défunts, même si une majorité d'adultes est comptée. De même, l'équipe d'anthropologues, sous la direction de Gaëlle-Anne Verliac (Éveha), n'a pour l'instant pas établi de corrélation entre le sexe et/ou l'âge des individus et le mode d'inhumation. Les défunts furent majoritairement inhumés vêtus ou emmaillotés dans un linceul. Très peu de mobilier funéraire fut découvert, à l'exception d'une sépulture dans laquelle une fiole en verre et un probable dépôt alimentaire semblaient accompagner le mort. Plusieurs coffrages et sarcophages contenaient, dans la partie supérieure de leur comblement, des restes alimentaires constitués notamment de poisson ; mais, il s'agit sans doute là plus d'un dépotoir que d'un dépôt.

Au sein de cette nécropole fut mis au jour un bâtiment présentant plusieurs états. Son intérêt a motivé une instance de classement au titre des Monuments Historiques. Aussi le SRA a préconisé de ne pas le fouiller et de privilégier l'étude des abords et des secteurs non préservés à l'issue de la fouille. De nombreux éléments de ce monument demeurent donc encore mal perçus. L'état le plus ancien correspond à un édifice quadrangulaire de 7 m de large sur au moins 11 m de long. Ce premier état, très impressionnant, n'est cependant que partiellement visible. Les murs, qui ne correspondent sans doute qu'à la base de l'élévation, sont constitués de quatre assises de grand appareil de granite soigneusement appareillées. L'assise inférieure, en léger retrait, sert de fondation. Une corniche moulurée, formant une importante saillie, couronnait l'ensemble de ces murs. Tous les éléments lapidaires apparaissent comme des remplois d'un bâtiment antique.

Ce bâtiment connut plusieurs réaménagements anciens tant dans sa partie occidentale que dans sa partie orientale. À l'ouest, deux absides ont été construites, sans doute assez précocement, contre les murs nord et sud. Une troisième abside existait peut-être à l'ouest et aurait alors formé un plan tréflé. Ces absides semblent avoir été contemporaines d'un réaménagement de l'édifice sur deux niveaux. Deux pièces semi-enterrées en partie ouest, particulièrement bien préservées, devaient en effet être surmontées de salles supérieures aujourd'hui disparues. La salle principale, éclairée par une baie au sud, est conservée sur l'ensemble de son élévation à l'exception notable de la voûte détruite en 1984 par l'implantation de piliers béton. La seconde pièce, de dimensions plus réduites, à l'ouest de la précédente, a conservé intactes sa voûte et les trois baies qui l'éclairaient. L'arc de séparation entre les deux pièces et les voûtes couvrant ces salles étaient principalement réalisés en remploi de terres cuites architecturales antiques. L'accès à ces salles basses se faisait par un escalier disposé à l'est contre le mur sud de l'édifice en grand appareil. Cet escalier semble avoir connu plusieurs états. Un autre escalier devait permettre l'accès aux salles supérieures. Il n'a malheureusement pas été clairement identifié lors de la fouille. Des enduits recouvrent encore les murs des deux salles basses. Du fait d'importantes infiltrations les enduits de la salle occidentale sont mal conservés. Par contre, la salle orientale possède un important décor peint qui, bien que fragmentaire, apparait remarquable. En effet, d'après Vladimir Halalau, restaurateur de peinture murale venu consolider ces enduits peints, au moins quatre décors se succèdent sur les murs de cette salle. Le plus récent, de la fin du Moyen Âge, présente notamment la tête d'un personnage nimbé. Parmi les éléments conservés des autres décors, certains pourraient être antérieurs à la période romane. Les absides furent abandonnées et à leur place furent disposés de très nombreux coffrages et sarcophages définissant des espaces d'inhumations privilégiés. Un mur limitait au sud ces inhumations et fermait peut-être une pièce annexe de l'édifice. Il est plus difficile de déterminer si, au nord, ces inhumations prenaient place dans un espace couvert. Un deuxième agrandissement de l'édifice existe à l'est. Il était constitué d'une salle quadrangulaire d'environ 7 m de long terminée par une abside. Découvert lors des travaux des années 1890 cet agrandissement fut en très grande partie détruit alors. Seules furent mises au jour lors des fouilles de 2012 les extrémités occidentales des murs nord et sud appuyés contre les maçonneries du bâtiment en grand appareil et les fondations de l'abside à l'est. Cet agrandissement correspond à la partie orientale de l'église.

Les éléments typologiques et stratigraphiques perçus lors de la fouille permettent d'assez bien appréhender l'évolution du bâtiment. Le premier état de l'édifice en grand appareil de pierre de taille de remploi correspond vraisemblablement à un mausolée de l'Antiquité tardive. Un tel monument a été construit pour abriter la sépulture d'un notable ou d'une riche famille. De ce bâtiment, seul le piédestal est conservé. Il faut penser que la corniche aujourd'hui visible devait marquer le couronnement du piédestal et la base de l'élévation. Un tel monument date vraisemblablement du IVe siècle. Des reprises anciennes ont très profondément modifié l'aspect du bâtiment. Les adjonctions d'absides et la création de salles semi-enterrées dans la partie occidentale correspondent à des modifications précoces (Ve-VIe s?). Le mausolée fut peut-être alors christianisé. Il prend ainsi l'aspect d'un bâtiment à deux niveaux avec des salles semi-enterrées et des salles hautes. L'agrandissement oriental correspond sans doute à la transformation du bâtiment en église. Cette campagne de travaux pourrait être contemporaine de la destruction des absides nord et sud antérieurement au milieu du VIIe siècle. L'ancien mausolée est très vraisemblablement alors devenu une église funéraire. L'évolution de ce bâtiment parait assez proche de celle du mausolée de saint Martial, réaménagé de façon précoce puis associé à une église funéraire. Succédant à un mausolée de l'Antiquité tardive, l'église funéraire Sainte-Marie-de-la-Courtine pourrait avoir eu une grande importance lors de la formation du pôle religieux de Saint-Martial et la création de l'abbaye. Il faut très certainement la considérer comme une des églises de l'ensemble religieux primitif. La découverte des vestiges de la Courtine vient renforcer encore le caractère exceptionnel de Saint-Martial qui était déjà l'un des sites archéologiques majeurs pour le haut Moyen Âge en France.

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