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Zizim, fils du Sultan Mehmet II

Djem est mieux connu en Europe sous un sobriquet, « Zizim » ou « Zizimi », « que les historiens rejettent car il ne repose sur aucune réalité historique, mais, quoique nous fassions, ce surnom est entré dans la mémoire collective. »

 

Selon Josselin Derbier. le grand maître Pierre d'Aubusson, confia le prince à la garde de trois chevaliers (dont Guy de Blanchefort et Charles Allemand de Rochechinard, commandeur de la commanderie du Poët Laval) , avec pour mission d’escorter Djem en France, sous le prétexte (entre autres) de lui faire rencontrer le Roi. En réalité, le prince est utilisé comme monnaie d’échange pour se prémunir des attaques de Bajazet sur Rhodes.

 

Le parcours de Djem est alors mouvementé (et pas toujours clairement établi). Les Hospitaliers l’amènent au port de Gênes (et non Villefranche sur mer comme certains l’ont prétendu). Mais sa route semble bien celle de l’Italie puisque Djem est conduit dans la commanderie savoyarde des Échelles. Selon les sources vaticanes, reprises par Kenneth M.Setton dans “The papacy and the Levant (1204-1571)” (in American Philosophical Society, 1976 - 512 pages), Djem demeure aux Echelles du 20 février au 27 juin 1483. A cette date, il est transféré à la commanderie du PoëtLaval. Son escorte sera désarmée au cours de l’hiver 1483-1484 et il sera emmené à Rochechinard, où il restera encore plusieurs mois.

 

Au printemps 1484, le prince est logé dans le château de la Bâtie en Royans (commune actuelle de Saint Laurent en Royans) propriété de la famille de Sassenage. C’est lors

de ce séjour que Djem s’éprendra de Philippe Hélène de Sassenage, fille du propriétaire. Après quatre ou cinq mois de séjour dans le Royans, il fut amené à Bourganeuf (Creuse), siège du Grand Prieuré d’Auvergne, où il demeurât jusqu’en 1488. C’est en cette année qu’il fut confié au Pape et emmené à Rome. En 1495 Charles VIII allant conquérir le Royaume de Naples demanda au pape, Alexandre VI Borgia, la garde du précieux otage en vue d'une hypothétique "croisade" contre le sultan en Grèce. Djem mourra à Capoue en 1495 dans des conditions mal élucidées (l'hypothèse d'un empoisonnement est probable mais non établie)

 

 

L’empire ottoman, au XVème siècle : le septième sultan Mehmet II, conquiert Constantinople, en 1453. Très cultivé, parlant de nombreuses langues, aimant les sciences, les arts et les lettres, il eut sept épouses, une fille et quatre fils : Mustafa, Bayezid ou Bajazet (1447-1512), Cem (prononcer Djem en turc) (14591495), et Korkut.

En 1480, Mehmet II, se considérant comme le souverain de Rhodes, exigea des Hospitaliers, maîtres de cette île, qu’ils lui versent un tribut annuel de deux mille ducats. L’Ordre, dont le Grand Maître était Pierre d’Aubusson, refusa et prépara l’île à soutenir victorieusement le siège imposé par Mehmet II en 1480. Mehmet II assassiné le 3 mai 1481, ses fils Bajazet et Djem se disputèrent la succession sur le trône. Battu lors de deux batailles par Bajazet, Djem se refugia à Rhodes où il demanda asile au Grand Maître des Hospitaliers.

 

Accueilli à Rhodes le 29 juillet 1482, avec tous les honneurs dus à son rang, Djem logea à l’auberge de France. Après de nombreuses tentatives pour se « défaire de Djem par le fer ou le poison », Bajazet négocia avec le Grand Maître d’Aubusson l’éloignement de son frère en Europe afin que l’on gardât le plus loin possible de son empire ce frère qui contestait sa légitimité et menaçait son règne. Djem, otage de prix, devint un objet de convoitise et sa « possession » permit aux Chevaliers de conclure un traité de paix avec l’empire ottoman. Le sultan s’engagea, en outre, à verser une forte somme chaque année pour l’entretien du prince en Europe. Un historien de cette époque , Nicolas Vatin écrit : « En dehors de l’intérêt financier de l’accord, c’était une victoire psychologique qui allait donner à l’Ordre un lustre incontestable. »

 

Nombre d’écrivains ont conté les aventures extraordinaires de ce prince ottoman.

 

L’errance du fils de « Mehmet le Conquérant » avec toute sa suite, à travers la Méditerranée puis l’Europe, son importance stratégique pour l’Occident chrétien face à l’expansion ottomane et sa mort mystérieuse, avaient de quoi solliciter les imaginations et enflammer les esprits . Son idylle

avec la fille de son geôlier, Philippe Hélène de Sassenage, compléta la légende. D’autant plus

que cette famille prétendait descendre de la fée Mélusine ...

 

Zizim apparaît aussi dans la pièce de Victor Hugo, Lucrèce Borgia, 1833: Acte 1, partie 2, scène

2 : "Rappelle-toi la manière dont Alexandre VI a fait disparaître du monde le sultan Zizimi, le frère de Bajazet." Et "Quant au frère de Bajazet, son histoire est curieuse, et n'est pas des moins sinistres. Le pape lui persuada que Charles de France l'avait empoisonné le jour où ils firent collation ensemble ; Zizimi crut tout, et reçut des belles mains de Lucrèce Borgia un soi disant

contrepoison qui, en deux heures, délivra de lui son frère Bajazet." Et plus loin à la scène 4 : "Le

saint père avait promis à Charles VIII de France la vie de Zizimi, sa sainteté n'en a pas moins fait

mourir Zizim.". Il apparaît aussi sous le nom de Zizimi dans la Légendes des Siècles de Victor Hugo.

 

 

Tour Zizim, château de Bourganeuf

Enfin, Zizim aurait été le commanditaire de la célèbre tapisserie, aujourd'hui au Musée de Cluny : La Dame à la Licorne : "Elles auraient été commandées par le prince Zizim, ou Djem, fils de Mahomet II et frère de Bajazet, alors prisonnier à Bourganeuf, dans la Creuse, qui les aurait fait exécuter pour la dame de son cœur. « Selon les uns, le portrait de cette belle serait celui d'une esclave adorée dont Zizim aurait été forcé de se séparer en fuyant à Rhodes; ... [selon d'autres], ce serait le portrait d'une dame de Blanchefort, nièce de Pierre d'Aubusson, qui aurait inspiré à Zizim une passion assez vive, mais qui aurait échoué dans la tentative de convertir le héros musulman au christianisme».

 

La légende des tapisseries de la Dame à la licorne prenait ainsi, dans l'imaginaire occidental, le relais de la légende de la vierge et de la licorne. Dès 1884, Edmond du Sommerard, dans un supplément à son catalogue du musée de Cluny, détruisait cette trop belle histoire, et reconnaissait, sur les bannières et les écus des tapisseries, les armoiries d'une riche famille lyonnaise, les Le Viste. La belle légende inventée par George Sand sut pourtant résister à la cruelle histoire, avec autant d'opiniâtreté que la licorne médiévale avait résisté à la zoologie moderne. Jusqu'à ces dernières années, des ouvrages plus ou moins sérieux ont en effet continué à voir, ou vouloir voir, dans les tapisseries du musée de Cluny le cadeau d'un prince des Mille et une Nuits à quelque dame de France au teint d'albâtre. C'était sans doute le dernier avatar de la légende de la vierge à la licorne."

L’odyssée de Djem (selon les sources vaticanes)

 

Djem accoste à Villefranche sur Mer, sur les terres du Duc de Savoie Charles 1er, le 15 octobre 1482. Il est emmené à Nice où il reste 4 mois. Il est ensuite transféré à Chambéry, capitale de la

Savoie, puis aux Echelles où il arrive le 20 février 1483. Il reste dans cette commanderie hospitalière jusqu’au 27 juin 1483. A cette date, il est conduit à la commanderie de Poët Laval en Dauphiné où il demeure deux mois.

 

Sa destination suivante est Rochechinard, château propriété du baron de Sassenage. C’est là qu’il s’éprend de la très belle Philippine « Hélène » de Sassenage. En février 1484, il part pour la Creuse, au château de Bourganeuf, centre hospitalier de la Langue d’Auvergne et domaine de Pierre d’Aubusson, Grand Maître des Hospitaliers. Mais le roi de France, Louis XI, demande son transfert à Monteil le Vicomte, propriété d’Antoine d’Aubusson, héros du siège de Rhodes et frère du Grand Maître.

 

Après deux mois à Monteil, Djem part pour Morterolles (commanderie du diocèse de Limoges), probablement en mai 1484. En juillet 1484, il est transféré à Boislamy (Creuse), appartenant à Antoine de Blanchefort, où il reste deux ans environ (l’un des accompagnateurs de Djem, de Rhodes vers la France, était Guy de Blanchefort, frère du précédent). Il retourne au château de Bourganeuf en juillet 1486, où une tour (la fameuse « Tour Zizim) a été construite pour l’accueillir.

Après de longues et délicates tractations entre le roi de France et la Curie Romaine, et malgré la pression de « La Sérénissime » (Venise) et le projet de mener la lutte contre la puissance ottomane à partir de Buda (Hongrie), Djem doit rejoindre Rome, à la disposition de la papauté.

 

Mais les Hospitaliers, dans la perte de leur atout–maître, vont acheminer Djem lentement vers cette destination. Partis de Bourganeuf le 10 novembre 1488, Djem et ses gardes embarquent à Lyon le 5 décembre pour rejoindre le sud par le Rhône. Après Avignon, ils arrivent à Toulon le 11 février 1489 pour embarquer sur la « Grande Nef du Trésor », flanquée de deux grands navires de l’Ordre. Après 10 jours d’attente de vents favorables, Djem et ses gardes hospitaliers quittent le

port le 21 février 1489, après sept ans de pérégrinations en Savoie et en France. Les équipages débarquent à Civita Vecchia le 6 mars et entrent dans Rome le 13 de ce mois. L’expression « Tous les chemins mènent à Rome » serait-elle issue de l’histoire de Djem? Quelque jours plus tard, Pierre d’Aubusson est nommé cardinal en consistoire secret, non pas pour avoir défendu Rhodes et la Chrétienté ,mais pour avoir livré Djem à la papauté.

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