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Cimetières et tombes

La mort est très présente au Moyen Age. Etudier les sépultures c'est véritablement comprendre, au travers des rituels et des choix techniques, l'évolution à la fois de la liturgie des défunts et la perception du passage vers la mort. La tombe est révélatrice de l'organisation sociale de la société médiévale.

 

Le Limousin présente nombres de cimetières médiévaux qu'il est particulièrement intéressants de visiter. De plus certains tombeaux exceptionnels sont conservés et marque la richesse artistique liée à ces oeuvres.

L’église est construite autour de la tombe du saint, point de connexion avec le monde céleste, centre du culte et du pèlerinage. Au XIIe siècle, l’édifice tout entier est un tombeau : peintures murales, vitraux, cycles sculptés permettent d’édifier le pèlerin. Ce programme inclut le monument funéraire, châsse ou sarcophage : toujours vivant, le saint est représenté actif, il continue d’agir pour le salut de la communauté.

 

Toutefois, aux côtés des saints incontestés et universels se sont multipliées les figures exemplaires, fondateurs de communautés au service de Dieu ou les ayant dirigées avec excellence, puissants laïcs ayant protégé une Église avec une dévotion remarquable. Légitimement, ils peuvent prétendre à une forme de sainteté localisée et les frères en gardent le souvenir privilégié. Leurs tombeaux procèdent directement de celui du saint : architecture, forme et disposition du sarcophage sont définies selon les mêmes règles. Exceptionnellement, ils intègrent la représentation du défunt, et de même que les catégories de reconnaissance de la sainteté sont finalement limitées à quelques types canoniques, l’iconographie funéraire, indissociable de l’iconographie hagiographique, s’élabore autour d’un nombre restreint de figures conventionnelles.


Néanmoins, certains individus honorables, dignes d’être extraits de la communauté indistincte des morts, bénéficient d’une célébration particulière. Celle-ci peut prendre la forme d’un texte, une épitaphe qui loue leurs vertus et appelle aux prières, ou d’une dalle qui pérennise l’emplacement d’une inhumation privilégiée. L’effigie funéraire respecte cette distinction, soit âme, homoncule nu sans trait individuel ni attribut, soit, plus rarement, cadavre. Or, la seule représentation du défunt constitue déjà la reconnaissance de mérites exceptionnels grâce auxquels, échappant à la règle commune, il s’est rapproché du saint. Son tombeau, expression monumentale de son statut privilégié, doit souligner cette proximité : le personnage ouvre les yeux, s’active déjà tout en gardant ses attributs terrestres, son propre corps.

 

L’iconographie hagiographique est le modèle auquel tend l’effigie funéraire, au risque dès lors que le monument perde sa fonction essentielle : attirer les prières pour permettre le salut. Comment les obtenir si le défunt est présenté comme déjà sauvé ? Fondamentalement, ces hésitations recouvrent celles de la liturgie et les incertitudes liées à la définition même de ce groupe intermédiaire : faut-il conserver le souvenir de l’âme, du nom, des vertus ou du corps, de la dépouille, de la tombe ?

 

Dans la seconde moitié du XIIe siècle, des monuments souvent dispersés témoignent des tentatives de combiner corps et âme. Parmi les plus remarquables, certains opposent la représentation du corps mort, exposé lors des funérailles, et celle de l’âme élue, emportée par des anges. Progressivement, dans les premières décennies du XIIIe siècle, ces deux composantes fusionnent dans une seule effigie. Le défunt est vivant, les yeux ouverts, mais n’appartient pas au monde céleste : sa tête repose sur un coussin, manifestation de sa présence physique dans la tombe. Déliée de toute dépendance trop étroite avec un groupe social précis, cette iconographie s’étend progressivement à différentes catégories et cesse d’être exclusive.

 

(Source - Julien LOUIS / L’effigie funéraire dans le royaume de France– Pays d’oïl –1134 – 1267)

 

 

cimetière église de Soudaine

Cimetière de Soudaine-Lavinadière

À l'époque mérovingienne, la nécropole est implantée à l'écart de l'habitat. La tombe est alors considérée comme une image représentative de la place tenue par le défunt dans la société. L'individu est donc inhumé avec un mobilier caractéristique (habillement, armes…). Les tombes sont organisées en rangées régulières, orientées est-ouest. Les individus sont inhumés sur le dos, en pleine terre mais le plus souvent dans un caisson de pierre, un sarcophage ou un coffrage en bois.Dès le VIIe siècle, on assiste à la raréfaction progressive des dépôts de mobilier funéraire, et à leur disparition autour du milieu du viiie siècle, une conséquence indirecte des progrès de la christianisation.

Le rapport entre les morts et les vivants évolue durant tout le haut Moyen Âge. Aux temps carolingiens, on ne cherche plus à exclure les défunts. Au contraire, à l'exception de petits groupes encore inhumés dans ou à proximité des habitats, les tombes se concentrent désormais autour des églises, c'est l'évolution vers le « cimetière médiéval ». La tradition antique de séparer le monde des morts de celui des vivants est progressivement abandonnée.

 

(Source - Isabelle Catteddu)

 

À partir du xiie siècle c'est un phénomène de polarisation de l'organisation sociale autour de ces nouveaux ensembles ecclésiaux et funéraires qui se met en place. La terre du cimetière devient ainsi un espace social fortement investi permettant l'articulation des pratiques sociales au « (con)sacré » et générant un territoire paroissial. « Manifestant un rapport pacifié, spiritualisé à cette terre qui renfermait les corps des baptisés, le cimetière incarne parfaitement le processus simultané de spiritualisation et de spatialisation », conclut Michel Lauwers avant de proposer une toute nouvelle vision de l'ordre social, articulé en conséquence autour de l'Église, la terre et les morts. Cette nouvelle façon d'envisager les morts et les vivants commence à s'infléchir à la fin du Moyen Âge, même s'il faut en chercher les prémisses dès le xiiie siècle.

 

(Source - Michel Lauwers, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l'Occident médiéval)

collégiale Brive

Sépulture collective du XIIIème - Collégiale de Brive - Fouilles INRAP

collégiale Brive

Sépulptures carolingiennes - Limoges

La création des cimetières près des édifices répond à une hiéarchisation du territoire. Trois espaces concentriques étaient symboliquement, mais physiquement aussi, définis : l'église elle-même, la partie du cimetière la plus proche de l'église, et la plus éloignée où l'on trouve des tombes à même la terre et la fosse commune.

 

Le premier espace était investi par la noblesse et la grande bourgeoisie. Le second était réservé au menu peuple. Les principales familles achetaient fort cher le droit d'avoir des tombeaux dans l'église de leur paroisse : on voulait reposer au pied des autels pour devenir l'objet spécial des prières et dormir à côté de ses pères pour se lever avec eux.

 

Source - Maurice ROBERT / Patrimoine funéraire en Limousin

LES RITUELS FUNERAIRES

 

Avec le christianisme les conceptions funéraires changent. L'affirmation dans le Livre de la Sagesse (le plus récent et le dernier de l'Ancien Testament), de la double nature de l'homme, spirituelle (âme), et matérielle (le corps), privilégie de fait l'inhumation en remplcement de l'incinération. Endormi dans le Seigneur à sa mort, le corps devra patienter intact pour pouvoir ressusciter au moment du jugement dernier.

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Dès le IVème siècle, alors que le christianisme s'était répandu en Limousin, on abandonna progressivement le feu pour la terre, même si la volonté des Pères de l'Eglise, en inhumant Martial et Valérie, était avant tout de rompre avec le paganisme. Mais l'incinération ne sera officiellement interdite que sous Charlemagne. Et quand l'inquisition rallumera plus tard des bûchers pour les hérétiques, ce sera justement pour les purifier. En effet, la crémation est réservée aux criminels condamnés au feu éternel.

 

Les humbles se retrouvent au charnier, ou dans les meilleurs cas, dans la fosse individuelle en pleine terre ou dans le tuf grossièrement creusé en forme de sarcophage. Quant aux clercs et laïcs puissants, ils avaient droit à partir des Vème et VIème siècles et jusqu'au XIIIème siècle à des cercueils de pierre ou de plomb. Bientôt on on figurera leur corps dans la pierre sculptée ou le bronze moulé pour mieux magnifier leur souvenir, et les fidèles viendront adorer leur gisant.

 

Au XIIIème siècle se généralise le cercueil en bois et la tradition de placer au cou du mort, ou pluôt à ses mains croisées, un chapelet, et aussi de l'accompagner d'une pièce sensée payer le passage de l'Archéron, ainsi que d'un vase d'eau bénite pour le protéger des mauvais esprit et faciliter son accès auprès du très haut.

 

A partir du XIIème siècle apparaît l'habitude de recouvrir les tombes de dalles, lesquelles réservées aux morts respectables, moines en particulier, sont souvent massives, parfois en forme de toit comme on le voit au Chalard. Sur certains de ces "toits" dits en bâtière sont même sculptées des ardoises ou des lauzes. Puis au XVème siècle, certaines de ces tombes pourront comporter une croix et seront pourvues pour les laïcs, d'une inscription voire d'un portrait.

 

Source - Maurice ROBERT / Patrimoine funéraire en Limousin

collégiale Brive
tombeau aubazine

Quelques exemples de tombes et de cimetières, en Limousin

 

LA CRYPTE DE L'ABBAYE SAINT-MARTIAL

 

Durant le Bas Empire, peut-être dès le début du IVe siècle, dans cette partie de la ville devenue suburbaine, fut implantée une nécropole. Au sein de cette nécropole, un mausolée abrita, sans doute dès le Vème siècle, un culte à saint Martial, le premier évêque de Limoges mort un siècle plus tôt. Ce mausolée, aujourd'hui conservé dans une crypte archéologique, se situe à moins de 70 m de l'emplacement concerné par la fouille archéologique.

 

Vers la fin du IIIème siècle ou le début du IVème siècle le site devint une des nécropoles du Bas Empire. Ce lieu est demeuré une zone d'inhumations privilégiée pendant la plus grande partie du premier millénaire. Malgré la découverte de nombreuses sépultures lors des précédents travaux réalisés sur le site, plus de 200 inhumations ont été mises au jour lors des fouilles de 2012. Différents types de sépultures ont été identifiés. De nombreux sarcophages (en calcaire, en granite, en impactite) furent mis au jour. Parmi les coffrages en divers matériaux (terres cuites architecturales, dalles de granit, bois) découverts, il faut en signaler plus particulièrement deux dont la couverture était constituée de dalles de béton de tuileau. Des sépultures sur lit de charbons et d'autres incluant une civière ont également été mises au jour. Il ne semble pas, à ce stade des études, qu'il y ait un recrutement particulier des défunts, même si une majorité d'adultes est comptée.

 

« Grâce aux fouilles de nos prédécesseurs, nous avons pu répertorier 500 éléments lapidaires et 243 sépultures », expliquait l'archéologue Xavier Lhermite. Le mausolée de Saint-Martial faisait en effet partie d'une immense nécropole qui s'étendait là au IVème siècle. C'est ce qui explique la présence de 243 autres sépultures dans la crypte.

 

(Source - Xavier LHERMITE EVEHA)

 

A noter, qu'on a retrouvé dans la crypte des sarcophages qui ont été taillés avec de la roche  dite de brèche d'impacts issue de la chute de la météorite dans la région de Rochechouart. La légèreté facilitait le transport de ces sarcophages sur de grandes distances. On a aussi remarqué lors des fouilles réalisées dans les anciens cimetières de Limoges que les corps placés dans les sarcophages en brèche avaient été bien conservés alors que ceux contenus dans les sarcophages en granite étaient réduits en poussière.

MAUSOLEE PALEOCHRETIEN ET NECROPOLE A LIMOGES

 

Dans le cimetière de la Courtine, en plein centre de Limoges, en périphérie de la cité romaine et à proximité du sanctuaire du saint fondateur de la grande abbaye de Saint-Martial, les fouilles de 2013 ont révélé un mausolée exceptionnel.

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Il date du IVème siècle avec des modifications jusqu'au VIIIème ; il s'agit d'un bâtiment conservé sur plus de deux mètres de hauteur, ce qui est déjà rare ; il est doté d'une abside sur chacun de ses murs gouttereaux. Ces absides étaient bordées de caniveaux en blocs de grand appareil antique remployés. Une abside à l' Ouest, avançant sous la parcelle voisine, n'a été fouillée que de l'intérieur. Là se trouvait une crypte formée de deux pièces, aux murs en briques d'hypocauste antique remployées, portant des traces d'enduit peint. Trois ouvertures complètes et une autre incompléte ont été trouvées. Enfin, le mur oriental du mausolée fut largement percé à une date indéterminée, constituant, avec la fusion de l'édifice fouillé au XIXe, une rare église à double abside, sur le modèle de Saint-Pierre-du-Sépulcre tout proche, sur le tombeau de saint Martial.

 

On compte moins de dix exemplaires similaires à ce monument en France, tous bien plus mal conservés. Des spécialistes sont venus de Paris pour l'étudier.

 

Au Nord de la nef en grand appareil s'ouvrait une descente de cave : il s'agit très probablement du cellier de la grande abbaye de Saint-Martial, berceau et choeur de Limoges ; ce cellier aurait été creusé par l'abbé Isembert, au XIIe siècle, selon les chroniques de l'abbaye de Saint-Martial.

 

Reportage video de FRANCE 3 Limousin

tombeau saint Martial Limoges

Après une relecture du texte de Grégoire de Tours (538-594) et de ce qu'on sait des pèlerinages au tombeau de saint Martial, le sarcophage de saint Martial serait celui que la tradition a longtemps attribué à Tève le Duc dont le nom n'apparaît qu'à la fin du premier millénaire.

crypte saint martial limoges
crypte saint martial limoges
mausolée limoges
plaque marbre tombeau saint martial

Cette plaque, placée à côté des reliques de Saint Martial, indique juste "Ci-git Saint Martial. Apôtre du Christ" ([HIC REQUIESCIT]/MARTIALIS/APOSTOLUS XPI).

gisant gouffier Latours Chalard

CIMETIERE DE L'ABBAYE DU CHALARD

 

Le cimetière est riche de nombreuses sépultures médiévales en dalles de pierre gravées ou en bâtière (pierres tombales, sarcophages...). On remarque les insignes des personnes inhumées : cognée du bûcheron, pinces et marteau du forgeron, étole du prieur sur la plus ouvragée. Un monument plus important a été réalisé en réutilisant des pierres tombales et deux gisants de serpentine représentant probablement une Annonciation (Saint Gabriel et la Vierge).

Tombe tardive du XIIIème du seigneur Gouffier de Lastours et d'Agnès d'Aubusson fille de Ranulphe IV et d'Alix de Magnac

(Conservée dans la salle capitulaire du prieuré du Chalard)

cimetière abbaye chalard
gisant abbaye chalard

Un tombeau du Chalard est plus problématique. Il prend place dans un ensemble de pseudo-sarcophages déjà tardif, les monuments « en toiture d’église » prédominants.

Toutefois, il en diffère sensiblement : il est beaucoup plus petit, sans décoration sur les flancs et, particularité unique, chacun de ses versants reçoit une figure humaine. Deux personnages sont tournés l’un vers l’autre et se rejoignent sur le faîte, se prenant les mains et, peut-être, s’embrassant. Ils portent le même vêtement, la longue coule monacale. Comme à Javarzay, cette représentation permet de préciser le rang du défunt, sans nécessairement le représenter explicitement.

L'EPITAPHE

 

Avec la dalle comme le pseudo-sarcophage, iconiques ou aniconiques, le lien au corps est primordial. Le resserrement progressif autour de ces deux formes de monument se fait au détriment d’une troisième totalement différente qui, à l’inverse, dissocie lieux de la commémoration et de l’inhumation : l’épitaphe gravée.

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La majeure partie de l'épitaphe du moine Boson, en l'abbaye Saint-Pierre d'Uzerche (Corrèze), est constituée d’un long texte dans lequel le défunt est présenté comme un homme pieux et un gestionnaire habile, un abbé parfait, exemplaire dans le spirituel comme dans le temporel. Il a rempli la mission donnée aux apôtres par le Christ : le laudateur cite Mathieu pour glorifier celui qui « observait la simplicité de la colombe et avait tout autant revêtu l’habileté du serpent ». Boson a mérité les bienfaits de Dieu : les sources d’eaux que Caleb donna à sa fille Axa en Terre promise, le refrigerium, lieu d’attente rafraîchissant des élus, sinon le Paradis, arrosé par ses quatre fleuves. Ce passage érudit relève de l’exercice de virtuosité : aux contraintes de la versification s’ajoutent les références au texte biblique, supposé parfaitement connu du lecteur.

 

(Source - Julien LOUIS / L’effigie funérairedans le royaume de France– Pays d’oïl –1134 – 1267)

epitaphe abbaye uzerche
gisant évêque raynaud limoges

Les tombeaux de la cathédrale de Limoges

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Né vers 1260, à proximité d'Allassac (Corrèze), il reçoit son éducation soit dans le prieuré de Vigeois, soit à Saint-Martial de Limoges. En 1291, il devient chanoine de la cathédrale de Limoges mais doit quitter le chapitre, dès 1292, pour suivre en Velay Guy de Neuville, évêque du Puy, qui le choisit pour vicaire général. Nommé en 1293 archidiacre de Combrailles, il revient en Limousin pour devenir l'année suivante le soixantième évêque de Limoges en 1316, il est promu à l'archevêché de Bourges en 1320, devient cardinal-prêtre. Il quitte alors Bourges pour Avignon, où il reçoit le titre d'évêque d'Ostie, et y décède le 20 octobre 1324. Plutôt que de se faire enterrer à Bourges ou Avignon, il choisit Limoges, témoignant ainsi de son attachement à son Limousin natal, et comme le rpouve l'iconographie de son tombeau, au premier évêque de Limoges, Martial.

 

Le monument est réalisé à la fin de 1324 et au début de 1325. Il est situé entre deux piliers du choeur , en face de la sacristie. Le défunt est représenté en gisant , orné de vêtements pontificaux, la mitre sur la tête. Deux anges thuriféraires lèvent les pans de rideaux encadrant le défunt. Le devant du tombeau est décoré d'une série de six arcatures, sous lesquelles sont logés des chanoines. Quatre bas-reliefs décorent les faces du monument adossées aux piliers. Saint Martial n'y appraît que deux fois, du côté du choeur. Au registre supérieur, on distingue la Vierge et l'Enfant Jésus entourés de trois personnages. Le diacre, qui est debout derrière l'archevêque et qui appuie sa main gauche sur son épaule, est sans doute le patron de la cathédrale, saint Etienne. Par conséquent, l'évêque situé de l'autre côté du trône serait donc saint Martial, premier évêque et fondateur de la cathédrale. Au registre inférieur, saint Martial et sainte Valérie sont représentés à l'occasion du miracle de la céphalophorie. De manière très classique, la martyre, agenouillée, lui présente sa tête. Enfin, saint Martial est représenté une troisième fois sur ce tombeau, dans une niche surelevée, côté déambulatoire. Il s'agit d'une statue en calcaire le figurant en évêque. Il est vêtu d'une chape bleue  passée sur une chasuble de la même couleur mais bordée d'ocre et porte une mitre.L'évêque Raynaud de la Porte est associé au saint Patron de la cathédrale Etienne et aux deux figures saintes du Limousin, Valérie et Martial.

 

Le tombeau de Raynaud de la Porte marque un nouveau tournant dans l'iconographie aurélienne. Jusqu'alors le chapitre cathédral limougeaud, brouillé avec l'abbaye Saint-Martial, avait évité de représenter son saint patron. Avec le déclin de l'abbaye, la cathédrale a moins de réticenses à figurer Martial et les saints de la légende aurélienne.

 

(Source - Les saints du Limousin / JC Masmonteuil)

gisant évêque raynaud limoges

Gisant de Saint-Etienne d'Obazine

TOMBEAU DE SAINT ETIENNE D'OBAZINE

 

Au XIIIème siècle on se préoccupa d'honorer saint Etienne d'Obazine, et de transférer les ossements du saint dans l'abbatiale, et d'honorer la mémoire du saint en lui élevant un tombeau digne de ses mérites. Ainsi fut construit ce célèbre tombeau en calcaire blanc doré, d'une extrême finesse de grain exceptionnelle. Le monument fut placé dans le bras sud du transept, auquel on pouvait aisément accéder de l'extérieur par la porte du cimetière.

Traité à la manière d'une châsse-reliquaire, le tombeau est composé d'un socle mouluré sur lequel a été sculpté le gisant du saint en ornements liturgiques. Les parois sont constituées d'une arcature très ouvragée. L'ensemble est couvert d'un toit à double pente et chacun des deux versants propose un programme sculpté constitué de groupes de personnages traités en haut-relief et logés dans des arcades trilobées.

Il ne s'agit pas, de toute évidence, d'une oeuvre limousine, mais bien plutôt, d'une oeuvre d'art sortie vers 1260 des ateliers d'Ile de France, et il est possible que Louis IX, que l'on sait très proche des cisterciens, ne soit pas étranger à la réalisation d'une telle commande.

Lors de rénovation en 1885, on retrouva les fragments d'un coffret de plomb, des ossements et des débris d'un bâton d'abbé.

 

(Source - Bernadette BARRIERE / Moines en Limousin, l'aventure cistercienne)

TOMBEAU DE SAINT JUNIEN DU XIIEME


Junien était un ermite de la première moitié du VIe siècle. Conformément à la hiérarchie de la sainteté ecclésiastique, son choix érémitique le place au-dessus du clergé séculier : il lui revient donc de guérir miraculeusement le futur évêque Rorice II de Limoges, qui, devenu son obligé, fonde une abbaye sur son tombeau, après son décès en 540. Une première élévation a lieu en 990 : afin d’être déposées sur l’autel, les reliques sont retirées du sarcophage, à toit à double pente, mais celui-ci est  précieusement conservé et reste visible. La reconstruction de l’église entre 1070 et 1130 entraîne un nouvel aménagement : le vénérable tombeau est déposé au pied de l’autel, et plus certainement y est partiellement engagé.

 

Cette rupture s’appuie néanmoins sur la continuité, comme veut le prouver l’inscription des premières années du XIIe siècle gravées sur le nouvel autel : Ci-gît le corps de saint Junien, dans le sarcophage même (in ipso vase) où l’ensevelit l’évêque saint Rorice. Rainaud, évêque de Périgueux, qui mérita de devenir martyr, rassembla les reliques dans des coffrets de bois déposés au pied du sarcophage.  Sanctifié par le contact des reliques, le sarcophage l’est encore par les manipulations des saints évêques, dont Rainaud, mort croisé. Mais dans la confusion de la phrase se dévoile surtout l’assimilation de l’autel au reliquaire, du reliquaire au tombeau.

 

Dès 1160, le chantier de la nouvelle collégiale de Saint-Junien reprend : la façade est reconstruite, puis le choeur, à l’extrême fin du siècle. Cette entreprise ambitieuse est le volet le plus spectaculaire d’une tentative de relance du culte de saint Junien. Dans le même temps, une nouvelle vita est rédigée et l’autel-tombeau est enclos dans un nouveau aux proportions inédites, dont la décoration somptueuse évoque l’orfèvrerie. L’ancienne inscription, enchâssée à l’intérieur du nouvel aménagement, devient pleinement une authentifica. La face orientale, côté déambulatoire et immédiatement visible des fidèles, est consacrée au Christ du Jugement dernier . L’accompagnant, les vingt-quatre vieillards, couronnés et portant des instruments de musique, sont représentés sur les deux longs côtés, disposés sur deux registres. Sur la face nord, ils sont accompagnés par Marie, tenant l’Enfant d’une main et présentant le lys de la virginité de l’autre .

 

Il s’agit bien de la Vierge-Mère, ce qu’une longue inscription souligne ; à côté de Son Fils juge terrible, elle est au contraire une figure bienveillante. Au sud, les rangs des vieillards sont interrompus par un loculus, derrière des portes de bois, qui permet de contempler le sarcophage primitif et les reliquaires de saint Junien. Au contraire de l’intercesseur universel, Marie, l’ermite n’est pas présent par une image, mais par ses reliques elles-mêmes : « ci-gît le corps de saint Junien, dans le sarcophage où il fut d’abord placé ». Cette inscription, gravée au-dessus du panneau christique, fait écho à la représentation de l’Agneau sous les portes de la niche et souligne l’ubiquité du saint : il est à la fois parmi les vieillards, avec la Vierge et le Christ, et parmi les fidèles, physiquement présent dans son tombeau ; le sarcophage invisible enclôt une portion du royaume de Dieu projetée sur les faces du tombeau. Par la présence du corps saint, mondes céleste et terrestre communiquent : peints sur le berceau de la nef, les vingt-quatre vieillards à nouveau présents, Jean et quatre adorateurs glorifient encore l’Agneau présenté par des anges. La voûte est explicitement associée à la Jérusalem céleste tout en reprenant l’iconographie du tombeau, l’église est pleinement l’écho terrestre du royaume divin par la présence de Junien.

Tombeau saint Junien
dalle funéraire chénéraille Barthélémy

DALLE FUNERAIRE DE SAINT BARTHELEMY

 

Le monument est toujours en place dans l’église de Chénérailles (Creuse); il fut réalisé pour le prêtre Barthélemy de la Place, mais la date de décès est laissée incomplète, « M.CCC.[…] ».

 

La pierre, un calcaire tendre, a permis au sculpteur de soigner admirablement les détails. Texte et image ne sont plus juxtaposés mais étroitement combinés : des inscriptions viennent éclairer la signification de certains éléments, des personnages animent les parties épigraphiques. Les informations liées au décès sont regroupées dans la partie inférieure, en dessous de la représentation d’une scène de funérailles. Le corps du clerc est allongé, des personnages, clercs et laïcs, prient et se recueillent alors que le prêtre procède à l’absoute.

Vient ensuite l’indication du nom et de la fonction du défunt, puis la scène la plus riche. Barthélemy est à genoux à droite, accompagné de ses deux patrons, Barthélemy et Aignan ; tous regardent une Vierge à l’Enfant debout en haut d’un escalier, entourée d’un ange portant un cierge et de saint Martial balançant un encensoir.

 

A l’extrême gauche, saint Cyr et sa mère Julite reçoivent le martyr au pied de l’escalier, conformément à la légende. Les saints protecteurs du défunt agissent en sa faveur et font valoir leur sacrifice et leurs vertus pour son bénéfice. La Vierge empiète légèrement sur le registre supérieur, une grande Crucifixion, juste en dessous de la Croix. Autour du Crucifié sont représentés Marie et Jean, puis Longin à genoux, portant la main à ses yeux, et un soldat, sans doute le porteur d’éponge. Du Christ mort pour le salut de l’humanité viendra la rédemption de Barthélemy protégé par les saints, au jour de sa résurrection.

 

(Source - Julien LOUIS / L’effigie funérairedans le royaume de France– Pays d’oïl –1134 – 1267)

Tombes de pèlerins ou de confrères

chevalier hospitalier maisonnisse

Gisant d'un chevalier Hopistalier du XIIIème - Eglise de Maisonnisse

Tombe Courteix templier

Dalles funéraires de Courteix

Eglise templière

église templière de Pallier

Cimetière de l'église templière de Pallier

tombe abbaye Malval

Tombe de l'abbaye de Malval

Gisant de Soudeilles

Gisant Pape Clément VI Tulle

Gisant du Pape Clément VI (un des trois Papes limousins) au cloître de la cathédrale de Tulle

Tombeau Roger Brosse émaux

Les gisants émaillés 

 

Le tombeau émaillé de Roger de Brosse est daté de 1287.

À la fin du XIIIème siècle, les ateliers de la ville de Limoges étaient spécialisés dans la production de tombeaux de cuivre émaillé et doré sur une âme de bois, monuments qui furent exportés dans toute l’Europe médiévale.

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Sur la cinquantaine de ces œuvres monumentales recensées au Corpus des émaux méridionaux, cinq seulement ont survécu aujourd’hui. Celui du chevalier Roger de Brosse, enterré dans le chœur de l’abbaye cistercienne de Prébenoît (Creuse, Marche limousine), détruit pendant la Révolution, a été partiellement et récemment redécouvert. Trois fragments émaillés décorés d’armoiries, ont été retrouvés et identifiés par l’auteur comme des parties du tombeau ayant échappé aux destructions révolutionnaires. Au cours d’un chantier archéologique, ouvert entre 1990 et 2000, dans l’abbaye de Prébenoît, les archéologues ont en outre retrouvé dans le chœur de l’église, l’emplacement exact du tombeau et mis au jour d’autres fragments métalliques en cuivre doré et émaillé de la tombe.

 

(Source - Aquitania 2008)

Tombe émaux Guy Meos Civray

La plaque funéraire de Guy de Meyos († 1307), trouvée sur le site de la commanderie templière de Civray (Vienne) et aujourd’hui au Musée du Louvre, est un témoignage de la production de plaques émaillées funéraires .

Le monument n’est pas en pierre, mais en cuivre, champlevé, gravé, émaillé, argenté et doré ; soit une réalisation luxueuse, démonstration du savoir-faire prestigieux des ateliers limousins. Le texte, dans la partie inférieure comprend le nom, le jour et l’année de décès de Guy, sa qualité de fondateur et une prière ; soit un formulaire assez commun. La partie supérieure, plus importante, présente le défunt à genoux, priant un saint debout ; celui-ci est couronné et vêtu du manteau d’azur et de fleurs de lys : il s’agit d’une des plus anciennes  représentations du roi Louis comme saint. Il tend la main vers Guy pour le soutenir et l’accueillir dans le monde des élus.

 

(Source - Julien LOUIS / L’effigie funérairedans le royaume de France– Pays d’oïl –1134 – 1267)

Gisant bon mariage limoges

TOMBEAU DU "BON MARIAGE"  (Musée des Beaux Arts de Limoges)


Ces deux époux venus du Poitou se rendaient à Saint Jacques de Compostelle, lorsque, de passage à Limoges, la jeune femme mourut.
Son mari partit seul pour accomplir leur voeu, puis il revint mourir auprès du tombeau de sa femme qui se tourna légèrement pour lui faire une place. L'attitude des deux gisants côte à côte figure cette scène.
C'est là le thème d'une légende connu dès l'époque constantinienne avec quelques variantes de détail. Les pieds de l'homme reposent sur un lion, ceux de la femme foulent le dragon, symbole de la tentation et du péché.

Provient de l'abbaye Saint-Martin de Limoges, daté du XIVème siècle,

« Passant, arreste-toi pour regarder ce lieu
Ce monument usé est dit : Bon Mariage.
Deux corps pleins de vertus, deux cœurs amis de Dieu
Que la mort a frappés en faisant son triage
Se reposent ici. Le Poitou les produict,
Galice les appelle et Lymoge y prétend.
Le ciel les met d'accord, pas un n'est esconduict.
La femme meurt icy sans aller plus avant ;
On lui fait un tombeau de grandeur coustumiere
Pour y serrer son corps. Cependant son mary,
Tout baigné dans ses pleurs, ne va point en arrière
Mais accomplit son vœu, et retournant guary
De ses douleurs de corps, le souvenir poignant
De sa perte revient et lui cause la mort.
Ce fut alors que Dieu se fit voir tout-puissant.
On ouvre le sépulchre, et sans aucun effort
L'espouse se retire assez pour qu'il ait place.
Pour apprendre aux conjoints a s'entr'aimer toujours
Afin qu'ayant vescu en la divine grâce
Ils puissent voir le ciel à la fin de leurs jours »

LA PIERRE DES MORTS

 

Le terme de "pierre des morts" est ainsi défini dans le Thésaurus de l'architecture en usage au Ministère de la Culture.

On trouve quelques exemples de tels édicules dans les dossiers réalisés par les services d'Inventaire du patrimoine culturel, mis en ligne par le biais des bases Mérimée et Palissy : ces exemples se trouvent en Région Bourgogne, Poitou-Charentes, Centre, Pays-de-la-Loire et Limousin, vont du 13e au 19e siècle et concernent des pierres situées soit près d'une église, soit près d'une croix de chemin.

Lors des enquêtes réalisées dans les cantons foréziens de Boën et Montbrison pour le Service de l'Inventaire du patrimoine culturel de la Région Rhône-Alpes, nous avons en effet trouvé des pierres allongées devant certaines croix, croix dite "du reposoir". Les dossiers concernant le canton de Montbrison sont en cours de rédaction, et nous ont indiqué qu'elles servaient à poser le cercueil pour prendre un temps de repos sur le chemin de l'église ou du cimetière.

Pierre des morts Sagnat
Lanterne des morts Saint Goussaud

LES LANTERNES DES MORTS

 

Nous retrouvons souvent dans les cimetières du nord du Limousin des édifices appelés communément "lanterne des morts". Leur zone d'implantation est restreinte aux pays de Saintonge et au Limousin.

Si leur rôle reste quelque peu mystérieux, elles ont un rôle dans le rituel liturgique des défunts. Les lanternes, par la lumière qu'elles peuvent diffuser, sont riches d'un sens théologique et eschatologique. Elles représentent une véritable protection spirituelle voire corporelle pour les morts comme pour les vivants.

Leur implantation correspond à une zone où le cimetière possède une longue tradition de proctection juridique, réactualisée par le mouvement de la Paix de Dieu.

Lors de sa thése Manon DURIER a fait des recherches sur les tombes limousines et présente ses relevés

Thèse tombe en limousin
Thèse tombe en limousin

UNE DECOUVERTE INATTENDUE ...

 

Lors de fouilles à Limoges en 2005 on a trouvé la sépulture (époque carolingienne) d’un cerf domestique. Cet animal, équipé d’une sorte de mors, était sans doute destiné à servir d’appelant à la chasse. Des représentations de telles pratiques existent sur des mosaïques et des céramiques. Toutefois les découvertes archéologiques témoignant de ce type de chasse restent encore très rares.

 

"Le squelette du cerf gallo-romain découvert à Limoges en 2005 dévoile progressivement ses secrets. Tout d'abord, les investigations menées par les scientifiques de L'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) confirment qu'il s'agit bien d'un animal domestiqué pour la chasse à l'appelant (voir notre édition du 17 février 2006). En d'autres termes, ce cerf était utilisé pour attirer ses congénères avant qu'ils ne soient abattus par d'adroits chasseurs.

Une telle trouvaille est très rare. « Ã€ notre connaissance, seulement six squelettes de cerfs appelants de cette époque ont été retrouvés en France, explique Christian Vallet. Et cet archéozoologue (archéologue spécialisé dans l'étude des ossements d'animaux) d'en ajouter un autre découvert en Allemagne.

Hadrien Montiny (responsable du chantier à l'origine de cette découverte limougeaude) confirme pour sa part que le squelette trouvé rue des S'urs-de-la-Rivière est dans un bon état, même si certains os sont cassés. « C'est un joli puzzle d'environ 200 os Â», précise ce scientifique de l'Inrap.

L'analyse des dents et des os de ce cerf, effectuée au Muséum national d'Histoire naturelle à Paris, permet aujourd'hui de mieux appréhender la vie de cet animal. « Il apparaît que ce cerf était sauvage jusqu'à l'âge de 3 ans. Ensuite, il est captif et se nourrit différemment, explique Christian Vallet. Il a vécu une douzaine d'années. C'est donc un vieux cerf qui a connu une longue période de servitude Â».

Vertus prophylactiques ? Dans quel but utilsait-on cet animal ? « Pour attirer les autres cerfs et les chasser. La population mangeait leur viande et utilisait leurs bois pour en faire des outils. À cette époque, les gens considéraient que ces bois possédaient des vertus prophylactiques, poursuit Christian Vallet. Ils en mettaient autour du coup des animaux domestiques et humains pour se prémunir des maladies. Il y avait même des médaillons pour les légionnaires Â». Qu'elle était sa place dans la ville ? « Comme il était enterré dans la maison, il devait être précieux pour son propriétaire. Il est gallo-romain du IIIe siècle Â»" (Article du Populaire)

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