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Châsses reliquaires saint Thomas Becket

Qui est Thomas Becket ?

 

Chancelier d'Angleterre et archevêque de Cantorbéry, Thomas Becket fut assassiné en sa cathédrale, alors qu'il célébrait la messe, le 29 décembre 1170. Il est canonisé dès 1173 et ses reliques sont distribuées dans toute l'Europe.

 

Des ateliers installés à Limoges et spécialisés dans la technique de l'émail fournirent de nombreux reliquaires en forme de châsse. Les émailleurs représentaient souvent sur la châsse un épisode de la vie du saint dont elle contenait les reliques. C'est l'assassinat de Thomas Becket qui est représenté sur la face principale du reliquaire tandis qu'au-dessus figure l'ensevelissement du saint. Ce meurtre fit de lui un martyr et la scène de l'assassinat fut un des thèmes les plus représentés sur les reliquaires limousins. 

51 châsses existent encore. Réalisées pour la plupart entre 1195 et 1220, les châsses mesurent entre 11 et 21 centimètres de longueur pour une hauteur comprise entre 10 et 18 centimètres. Elles ont la forme habituelle des châsses de l'époque, en parallélépipède rectangle reposant sur quatre pieds et surmontée d'un toit à deux rampants, qui rappelle celles des sarcophages chrétiens primitifs, symbole de la relique qu'elles contiennent. Leur structure interne est réalisée en bois de chêne, qui est protégé par un enduit et recouvert, à l'extérieur, de six plaques de cuivre émaillées selon la technique du champlevé. La plupart des reliquaires étaient également couronnées d'une crête ajourée en cuivre, qui pouvait aussi être décorée de pierres précieuses ou de cristal de roche. En raison de leur fragilité, plusieurs de ces crêtes ont aujourd'hui disparu.

 

Les scènes figurant sur les autres pans sont plus variées, même si certains thèmes dominent. Ainsi, sur le rampant avant on trouve principalement la représentation de l'enterrement de saint Thomas Becket ou celle de la montée de son âme au ciel, sur les côtés figurent des apôtres ou des saints tandis que l'arrière est uniquement orné de motifs.

             Thomas Becket (1118-1170), Archbishop of Canterbury and martyr.

 

Thomas was appointed Chancellor of England in 1155, and was a close associate of King Henry II. However, shortly after Thomas was named Archbishop of Canterbury, their relationship soured, eventually resulting in Thomas' six-year exile in France.

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Not long after his return to England, Thomas was murdered by four of the King's knights inside Canterbury Cathedral, making him an instant martyr. Miracles began to occur soon after his death, and Canterbury became one of the most popular pilgrimage destinations in Europe.

And forthwith four knights took their counsel together and thought they would do to the king a pleasure, and [devised] to slay St. Thomas, and suddenly departed and took their shipping towards England. And when the king knew of their departing he was sorry and sent after them, but they were on the sea and departed [before] the messengers came, wherefore the king was heavy and sorry ... And these four knights aforesaid came to Canterbury on the Tuesday in Christmas week about Evensong time, and came to St. Thomas and said that the king commanded him to make amends for the wrongs that he had done, and also that he should assoil all them that he had accursed anon, or else they should slay him ... And then smote each at him, that they smote off a great piece of the skull of his head, that his brain fell on the pavement. And so they slew and martyred him, and were so cruel that one of them [broke] the point of his sword against the pavement.

 

And thus this holy and blessed Archbishop St. Thomas suffered death in his own church for the right of all holy church…And anon it was known all about, how that he was martyred, and anon after took this holy body, and unclothed him, and found bishop's clothing above, and the habit of a monk under. And next his flesh he wore hard hair, full of knots, which was his shirt. And his breech was of the same, and the knots slicked fast within the skin, and all his body full of worms; he suffered great pain. And he was thus martyred the year of our Lord one thousand one hundred and seventy-one, and was fifty-three years old. And soon after tidings came to the king how he was slain, wherefore the king took great sorrow, and sent to Rome for his absolution.

Châsse saint Thomas Becket / Musée Victoria & Albert de Londres

Le patronage de la famille Plantagenêt

 

Tout a été dit sur la situation géographique privilégiée au Moyen Age de la ville de Limoges, placée au carrefour des grandes routes menant au nord de l'Espagne ou à Rome. Le développement de l'émaillerie à la fin du XIIème siècle a été favorisé aussi par le patronage d'Henri II Plantagenêt, sa femme Aliénor et de leur fils Richard Coeur de Lion, intronisé duc d'Aquitaine dans la cathédrale de Limoges en 1171. En ce qui concerne plus particulièrement les châsses de saint Thomas Becket, il semble que le patronage de la famille Plantagenêt, s'ajoutant à celui des ordres monastiques (comme celui de Grandmont), ait joué un rôle décisif dans la commande de la plupart des reliquaires des ateliers limousins.

 

Ainsi par exemple, le patronage de Richard Coeur de Lion pourrait avoir été déterminant dans la commande de la châsse aujourd'hui conservée au Victoria & Albert Museum à Londres, datable de 1185-1190, elle peut être justement considérée comme la tête de file de la série des châsses de saint Thomas Becket et fut sans aucun doute destinée initialement à la cathédrale de Peterborough. Lorsqu'il fut nommé à la tête de l'abbaye bénédictine de Peterborough, Benedict, prieur de Christ Church depuis 1174, avait été témoin du meutre de Thomas Becket et premier gardien de son tombeau jusqu'en 1172. Il était donc bien placé pour apporter dans la cathédrale de Peterborough les reliques qui sont mentionnées par le chroniqueur de l'abbaye, Robert Swaphano. Dès son arrivée il s'efforca de restaurer les finances de l'abbaye fortement compromises par ses prédécesseurs et il termina la chapelle dédiée à Thomas Becket commencée par l'abbé Guillaume. Or il était un fidèle partisan de Richard Coeur de Lion au couronnement duquel il assista en 1189. Etant donné donc de l'état de ses finances, il est fort possible que Richard lui ait conseillé de s'adresser aux ateliers de Limoges pour l'exécution d'une châsse dont le prix de revient était inférieur à celui d'un reliquaire précieux. Benedict pourrait même être à l'origine du programme iconographique de cette châsse destinée sans doute à orner l'autel de la chapelle dédiée au saint. On sait qu'il est l'auteur de deux ouvrages sur la passion et les miracles du martyr et qu'il possédait dans sa bibliothèque deux manuscrits sur la vie de Thomas Becket, or certains traits stylistiques des silhouettes de la châsse limousine se retrouvent sur les enluminures anglaises, le modèle des images de cet émail pourrait alors avoir été emprunté par Benedict aux enlumineurs des manuscrits en sa possession.

 

(Source - Valérie & Thomas Becket, de l'influence des princes Plantagenêt dans l'Oeuvre de Limoges / Musée de Limoges)

 

La diffusion rapide du culte du saint martyr, Thomas Becket (vers 1118-1170), archevêque de Canterbury

 

Elle donna lieu à une large production de châsses en émail de Limoges destinées à conserver ses reliques répandues partout en Europe.

 

Limoges et le Limousin étaient sous la domination de la dynastie des Angevins-Plantagenêts et le succès de ces châsses montrant des scènes de la vie du saint fut considérable, en partie à cause du patronage des Plantagenêts mais aussi grâce au rôle joué par les ordres monastiques, les souverains et les prélats anglais. Certains des commanditaires de ces châsses sont connus, comme l'abbé Benedict (1177-1193) de la cathédrale de Peterborough (Victoria and Albert Museum Londres), et la reine Marguerite de Sicile (morte en 1183) qui portait une châsse reliquaire miniature en émail autour du cou.

Caudron a répertorié toutes les châsses à l'iconographie de saint Thomas Becket connues, incluant l'exemplaire de la collection Dormeuil, aujourd'hui pour la plupart conservées dans des musées et variant par leur qualité et par certains détails. La châsse Dormeuil, par sa qualité d'exécution, peut être comparée à celle vendue chez Sotheby's à Londres en 1996 (aujourd'hui au Victoria and Albert Museum de Londres). Tandis qu'en général seulement deux chevaliers figurent dans la scène de la décapitation, la version de la "Society of Antiquaries of London" (déposée au British Museum) est l'un des rares exemplaires à montrer sur sa face antérieure les quatre assaillants. La châsse Dormeuil, de belle qualité et dans un bon état de conservation, représente trois assaillants, dont deux tenant une épée, le troisième une hache. L'évènement dramatique du martyre est dépeint sur une seule face: l'assassinat du saint devant l'autel et la représentation de l'ensevelissement du corps. Le revers est simplement décoré de fleurettes inscrites dans des losanges, et chaque côté en forme de pignon est orné d'une figure d'apôtre. Lorsqu' en 1538 Henri VIII a 'décanonisé' Thomas Becket suivant la constitution de l'Eglise d'Angleterre, il ordonna la destruction de toutes les images du saint. Il est alors rare de trouver aujourd'hui des oeuvres d'art illustrant l'iconographie de Thomas Becket.

Le drame du martyre de Becket est l'histoire d'une amitié déçue, celle de l'Etat contre l'Eglise, ainsi qu'un terrible malentendu. Thomas Becket naquit à Londres vers 1118; après avoir été archidiacre et prévôt de Beverley, Becket gagna l'amitié du roi Henri II Plantagenêt (1133-1189) qui le nomma chancelier en 1155, puis archevêque de Canterbury. Dès lors, bien qu'ami du roi, il changea son mode de vie, et défendit les biens et les droits de l'Eglise. Leur amitié se transforma en une forte rivalité qui poussa le roi à l'exiler avec sa famille en France. Becket utilisa ses pouvoirs d'excommunication contre les alliés du roi.

Henri, ayant peur que le Pape n'excommunie tous les Chrétiens de son pays chercha à obtenir une reconciliation avec l'archevêque qui revint finalement en Angleterre. Mais dès son retour à Canterbury, Thomas Becket continua son attitude intransigeante vis à vis du pouvoir royal, provoquant la colère du roi qui prononça la célèbre phrase "Qui me débarrassera de ce prêtre de basse naissance" incitant ainsi quatre de ses chevaliers, William de Tracy, Réginald Firz Urse, Richard Le Breton et Hugh de Morville à prendre les armes. Ceux-ci arrivèrent à Canterbury et dans la cathédrale, lui demandèrent de se conformer aux ordres du roi après son refus, ils assassinèrent Thomas Becket le 29 décembre 1170.
 

(Source - Fin du XIIe siecle , chasse en email champleve representant le Martyre de saint Thomas Becket)

L'iconographie des châsses de saint Thomas Becket

 

Dans la scène narrative, l'émailleur a librement distribué ses personnages en frise : venant généralement de la gauche, les meurtriers, dont le nombre peut varier de un à quatre suivant les dimensions de la châsse, avancent l'un derrière l'autre vers Thomas Becket qui se tient debout devant l'autel. Au rythme vertical conféré par la succession des silhouettes au registre inférieur, s'oppose au toit le schéma géométrique ayant présidé à la composition de la scène de l'ensevelissement ou de la montée de l'âme au ciel.

La représentation de Thomas Becket officiant à l'autel revêtu de ses vêtements liturgiques n'est toutefois pas conforme à l'évènement historique puisque l'archevêque fut assassiné à l'entrée du choeur devant le pilier du transept nord. Mais l'image de l'autel, toujours présente aussi bien sur les châsses limousines que sur les manuscrits enluminés, vitraux, peintures, sculptures ou vêtements liturgiques représentant la scène du martyre, a une double signification. D'abord, elle situe sûrement le lieu dans lequel se déroule le drame : une église, espace sacré et lieu d'asile par excellence au Moyen Age, ce qui met en évidence le caractère sacrilège du meurtre d'un évêque dans sa cathédrale. En second lieu, le meurtre de Thomas Becket alors qu'il célèbre la messe est assimilé au sacrifice du Christ, exaltant ainsi la victoire du spirituel sur le temporel. Sur la plaque de la châsse conservée à Cleveland et datable de 1195-1200, le symbole est encore plus clairement explicité : l'image de la Crucifixion a été juxtaposée à celle de la passion de Thomas Becket.

 

(Source - Valérie & Thomas Becket, de l'influence des princes Plantagenêt dans l'Oeuvre de Limoges / Musée de Limoges)

Châsse de Thomas Becket / CLEVELAND

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